Pour sa 8e réunion dans le cadre du Grand Débat national, lundi 4 mars à Craponne, le conseil de circonscription (CDC) du député Thomas Gassilloud a créé la surprise. Une double-surprise. Pour la première, le public venu en très grand nombre (230 personnes) a pu s’en rendre compte dès son entrée dans la salle Gaston-Rebuffat transformée pour l’occasion en un immense plateau de télévision : une équipe de tournage de France 3 avait investi les lieux, dès l’après-midi, pour l’émission “Dimanche en politique” : le magazine de 26 minutes dédié à la politique et aux faits de société, animé par Olivier Michel, a choisi de consacrer exclusivement son prochain numéro (qui sera diffusé ce dimanche 10 mars à 11h30) à cette soirée de débat.
Mais la grande surprise aura été, sans conteste, la participation exceptionnelle de Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, invité par le député de la 10e circonscription. A l’instar des journalistes de la chaîne publique régionale, le ministre a eu écho de la qualité de l’organisation des débats menés par ce groupe de citoyens particulièrement enthousiastes et dynamiques, aux côtés de Thomas Gassilloud et de son équipe parlementaire : le ministre s’est d’ailleurs dit très agréablement surpris, après trois heures d’échanges nourris, par cette soirée de débat à l’organisation maîtrisée. Le public aussi : interrogée à main levée par le journaliste télé à l’issue de la réunion, la salle a approuvé, elle aussi, à une quasi-unanimité, l’organisation de cette soirée. Pas si étonnant quand on sait que bon nombre de propositions citoyennes, dans le cadre de ce Grand Débat national, appellent à davantage de démocratie participative.
Un satisfecit tout à l’honneur de ce conseil de circonscription — à l’initiative, dès le lendemain de son élection, de Thomas Gassilloud — dont il se murmure, dans les rangs de l’Hémicycle, qu’il pourrait inspirer d’autres parlementaires, dans leur circonscription… “Notre vocation est que les gens se rencontrent et se parlent”, explique, en préambule, Patrick, membre actif du CDC, accompagné, lundi soir, par Odile qui invite le public à se mobiliser : “Tout le monde est invité à participer à nos réunions mensuelles”.
Tout au long de ce débat mené en présence également du maire de Craponne, Alain Galliano, et du président de la métropole de Lyon, David Kimelfeld, les quatre thématiques officielles — Démocratie et Citoyenneté ; Fiscalité et Dépenses publiques ; Transition écologique ; Organisation de l’Etat et des services publics — se sont succédé : une vingtaine de minutes pour chacune d’entre elles, laissant aux intervenants le temps d’exprimer leurs commentaires ou leurs propositions. Le ministre, quant à lui, a pu répondre personnellement aux uns et aux autres, entre chaque séquence.
Parmi les propositions de la salle (elles sont listées en temps réel, projetée sur un écran géant par souci de transparence et consultables en permanence sur internet, sur la page propositions-grand-debat.gassilloud.fr), l’une d’elles porte sur la limitation du nombre de mandats des élus. “Je souhaiterais que soit inscrit dans la loi qu’un représentant du peuple ne puisse pas faire plus de trois mandats successifs”, acquiesce Bruno Le Maire, qui se dit “contre le cumul des mandats” et favorable à une réduction du nombre de députés et de sénateurs, gratifié par des applaudissements nourris du public. Idem lorsqu’il proposera “que tous les hauts fonctionnaires soient obligés de démissionner de la fonction publique quand ils sont élus pour garantir une meilleure représentation du peuple”, sur un ton résolu. Quant à la durée des mandats, “je sais que ça ne plaît pas à certains, mais Emmanuel Macron a été élu pour cinq ans et il doit, au nom du mandat que lui a donné le peuple français, faire l’intégralité de ses cinq années de Président de la République”, a-t-il plaidé, approuvé là encore par une salve d’applaudissements.
Comme souvent, le référendum d’initiative citoyenne est revenu à plusieurs reprises, au fil des interventions du public. “La parole, ça libère ; le débat, ça construit, a reconnu Bruno Le Maire. Nous n’avons rien à craindre de la consultation des Français car elle fait avancer notre démocratie”, se disant favorable à un “droit d’amendement citoyen”, voire “des propositions de lois citoyennes” et à des référendums d’initiative populaire “au niveau local”. “La voix au peuple !”, lance quelqu’un dans la salle. “Oui, mais une voix encadrée, construite parce qu’elle aurait le soutien de 50 ou 60 000 personnes”, complète Bruno Le Maire.
Le ministre de l’Economie et des Finances n’a pourtant pas fait que des heureux. La thématique de la fiscalité a provoqué quelques remous dans la salle, voire des échanges vifs, à l’image de cette retraitée qui se plaint de l’augmentation de la CSG, pas convaincue pour un sou, par la volonté du ministre de “baisser la dépense publique pour baisser les impôts des Français”. “C’était un engagement de campagne du Président de la République et on ne peut pas dire qu’on ait pris les gens par surprise”, fait remarquer Bruno Le Maire qui rappelle que cette CSG “sert à une seule chose : l’augmentation du salaire de ceux qui travaillent… et ce sont eux qui payent vos retraites !“ “Je trouve vos propos scandaleux”, s’insurge la dame qui estime “qu’il n’est pas normal que les retraités soient mis à contribution pour que les salariés vivent mieux, ce n’est pas de leur responsabilité ! Vous ne deviez pas toucher aux petites retraites et je suis très en colère !”
Un homme alerte le ministre : “On revient à l’ancien temps : je suis obligé d’héberger ma belle-mère qui n’arrivait plus à financer son logement : ce n’est pas le rôle des enfants d’aider les parents !” Des propos qui ont créé un vent de contestations dans le public. “Je l’héberge avec grand plaisir”, se défend le jeune homme. “Je pense que vous venez involontairement de toucher un des problèmes majeurs de la société française, analyse M. Le Maire. Si on estime que les enfants ne sont pas là pour aider leurs parents et inversement, mais qu’au bout du compte, c’est toujours l’Etat qui doit s’occuper de tout, je ne suis pas d’accord ! (…) L’idée que je me fais d’une société moderne n’est pas celle où chacun vit uniquement pour soi et ne s’occupe ni de ses enfants, ni de ses parents, ni de ses petits-enfants”, poursuit-il; sous les applaudissements.
“Où va notre argent ?”, s’interroge une autre dame dans l’assistance. Le ministre s’est engagée à lui remettre un document expliquant à quoi servent 1000€ de dépenses publiques en France. “Nous allons, avec le ministres des dépenses publiques, développer des documents encore plus précis pour vous rendre des comptes sur votre argent.” Et à cet homme qui soutient la décision du gouvernement d’avoir supprimer l’ISF : “Je suis content d’être venu jusqu’à proximité de Lyon pour trouver une personne contre le rétablissement de l’ISF, ça ne court pas les rues, sourit le ministre. Mais votre raisonnement est le bon, Serge ! (…) Si vous voulez des entreprises familiales solides, je vous garantis qu’il ne faut pas rétablir l’ISF”.
Un autre citoyen revient sur la fraude fiscale et sur la taxation des Gafa : “Il est inacceptable, lui répond le ministre, que les entreprises qui font le plus de bénéfices au monde, soient les moins taxées. Dès la semaine prochaine, je présenterai un projet de loi qui imposera les géants du numériques à 3% du chiffre d’affaires, pour 500 millions de recettes pour le Trésor public français”.
Concernant la transition écologique, les problématiques du monde agricoles et les enjeux d’une alimentation saines ont été évoqués. “Il faut défendre les agriculteurs et pas seulement pour qu’ils entretiennent le paysage mais pour qu’ils nous fournissent les produits qui soient les meilleurs de la planète”, a assuré Bruno Le Maire. Quant à la question du nucléaire, “à partir du moment où on a la chance d’avoir cette énergie qui est peu coûteuse et qui ne produit pas de CO2, on aurait tort de vouloir se précipiter comme l’ont fait les Allemands, à l’abandonner pour ensuite se chauffer au charbon en émettant des tonnes de CO2”, reconnaît le ministre.
Un citoyen propose un pacte européen : “Le gouvernement et le Président de la République y sont totalement favorables, confirme le ministre. Une banque européenne permettrait de financer la lutte contre le réchauffement climatique et le développement des énergies renouvelables”. Et Bruno Le Maire de pointer du doigt “ce climatoscepticisme qui se répand un peu partout mais qui se heurte à des réalité bien tangibles, notamment en matière médicale”. Les transports ont aussi été abordés et David Kimelfeld a reconnu “les inégalités territoriales extrêmement importantes” qui peuvent exister entre ceux qui vivent dans la Métropole et les autres. “Les deux premières sources de réchauffement climatique sont de très loin, le logement et le transport, précise M. Le Maire. 70% des salariés français prennent leur voiture pour aller travailler, car ils n’ont pas le choix. Il faut les aider avec des transports collectifs ou, financièrement, pour qu’ils roulent avec des véhicules plus propres.”
Une infirmière scolaire a également souhaité mettre en lumière le sort des enfants placés à l’Ase (Aide sociale à l’enfance). “Ces enfants-là sont pour la plupart déscolarisés et ont des parcours chaotiques”, reconnaît-elle, sachant que “40% des enfants placés sont SDF aujourd’hui”. Entre autres sujets, le ministre a évoqué la place des personnes handicapées dans notre pays “où nous avons, à mes yeux, des années et des années de retard”, estime-t-il. “Au-delà des politiques publiques, c’est le regard que nous avons tous sur ces personnes en situation de handicap physique ou mental qui doit changer. La France se grandirait à faire une place à chacune de ces personnes, à l’école, au collège, au lycée, dans le travail, plutôt qu’en les marginalisant, comme elle l’a fait pendant trop longtemps. C’est une des révolutions culturelle que la France doit opérer : c’est une des grandes questions qui se pose, avec celle de la dépendance”.