Pour sa 9e réunion pubique dans le cadre du Grand Débat national, le conseil de circonscription (CDC) de Thomas Gassilloud, député du Rhône, a pris ses quartiers, ce mercredi 6 mars, dans la salle d’Assemblée, des Basses-Barolles, à Saint-Genis-Laval. Un quartier populaire construit dans les années 1980, conçu autour d’un vaste espace piétonnier, et pour lequel la Ville engage, depuis plusieurs années, un ambitieux programme d’investissements pour sa rénovation et son aménagement. Après ces neufs débats en l’espace de deux mois, les citoyens qui agissent au sein du CDC auront, eux aussi, investi beaucoup de temps et d’énergie : il leur a fallu organiser ces réunions, en créant les meilleures conditions d’écoute et d’échanges. Il a fallu aussi restituer avec la plus grande exhaustivité, les propositions, au fil des débats, avant de les synthétiser avec la rédaction de neuf comptes rendus (dont celui-ci). In fine, les débats du CDC ont réuni, au total, plus d’un millier de citoyens pour autant (sinon plus) de propositions : elles sont rassemblées dans un document consultable en ligne.

Pour ce dernier débat, mercredi, quelque 170 personnes ont pris place dans l’assemblée, aux côtés du maire, Roland Crimier, et du député Thomas Gassilloud. Parmi eux, des gilets jaunes, “pacifistes” et ouverts au dialogue. L’un d’eux a immédiatement pris la parole, pour ouvrir le débat sur le thème de la fiscalité et des dépenses publiques. “Je suis pour le retour de l’ISF, voire son augmentation”, lance-t-il d’emblée. Il n’est pas le seul.

Les échanges s’enchaînent. “On nous parle de 489 niches fiscales pour un coût de 100 milliards d’euros… ça fait peur !” Un autre renchérit : “En France, on est les champions du monde des prélèvements, et malgré tout, on a une dette abyssale !”, estimant que les recommandations de la Cour des compte ne sont pas suivies d’effets. “Montrez-nous, les élus, que vous êtes capables de faire le ménage chez vous : c’est hallucinant ! Attaquez-vous aux dépenses publiques !”. Le député donnera son point de vue, reconnaissant qu’il n’est pas “omniscient” : “Les réalités sont beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît”, tempère-t-il. Avant de rappeler un chiffre : le budget de l’Assemblée nationale (environ 500 millions d’€), il représente moins de “1€ par mois et par habitant” : “nous devons réfléchir ensemble si le coût d’1€/mois nous semble adapté pour aboutir à de bonnes lois ?”, lance-t-il à ses contradicteurs, en assurant que des économies doivent malgré tout encore être faites.
La fiscalité des multinationales s’immisce dans le débat. “On n’a pas une législation homogène en Europe”, déplore une dame qui insiste pour lutter contre l’évasion fiscale et pour encadrer de façon législative “les avantages et les salaires des grands patrons”. “Aucune fonction ne mérite plus de 20 fois le salaire d’un employé de base”, estime une habitante, largement applaudi. Et avec ça, il faut, de l’avis d’un intervenant, “réduire le nombre de députés, des sénateurs et des hauts fonctionnaires”. Un Saint-Genois propose aussi “d’embaucher des inspecteurs des impôts car on en a besoin” et de “supprimer toutes les niches fiscales”. “Mais combien en profitent dans cette salle, sans doute pas mal !”, répond quelqu’un… Tout n’est pas si simple…
Un étudiant se félicite : “Je suis assez heureux : j’ai l’impression d’être entouré de gilets jaunes”, prenant aussitôt la défense de la fonction publique hospitalière “de plus en plus précarisée”. “Notre système de sécurité sociale qui était montré en exemple, souffre aujourd’hui”, résume-t-il. D’autres doléances portent sur “la création de tranches fiscales supplémentaires” ; “une égalité de traitement pour les retraites” avec la suppression de la CSG qui les ont réduites ; leur indexation sur l’inflation ; l’ISF encore…

Un homme s’énerve : “Je fais partie de ces salauds qui payaient l’ISF il y a quelques années et je me sens agressé, tempête-t-il. Je ne vais pas rester à ce débat où je me sens agressé. J’ai fait du bénévolat, je me suis investi dans la vie publique. D’accord pour les patrons du CAC40 mais faites attention à ce que vous dites”. Tout n’est pas si simple… Une dame le reconnaît : “Avec nos impôts, on met en commun une partie de notre travail, il n’y a pas les plus riches d’un côté et les plus pauvres de l’autre, c’est une contribution collective pour répondre à des besoins vitaux comme se loger, se soigner et se déplacer, financer des services publics… Il faut sortir d’une vision fiscaliste, il faut mettre du sens et du fond”.
Sur la transition énergétique, là encore, tout n’est pas si simple. Interdire immédiatement le glyphosate ? “Vous faites un mauvais procès à la majorité, plaide Thomas Gassilloud. L’Europe était partie pour l’interdire dans 15 ans et la France a réussi à la porter à 5 ans, avec un objectif national de sortie à 3 ans. Il faut aussi penser aux filières agricoles qui doivent avoir le temps de s’adapter”. Dans la salle, des voix s’élèvent en faveur des énergies renouvelables, estimant qu’il faut en finir avec le nucléaire. “Le démantèlement des centrales coûte extrêmement cher”, reconnaît quelqu’un. “Mais si on garde nos 58 réacteurs, on aura, c’est certain, un accident”, s’inquiète un autre. Même si le nucléaire, au moins, a l’avantage de ne pas rejeter du CO2… Quant au solaire et à l’éolien, “il faut du soleil et du vent !”. Et puis, “les éoliennes, personne n’en veut à côté de chez lui : ça fait du bruit et ce n’est pas très esthétique”, commente Roland Crimier.

Quid de la voiture électrique ? “Elle pose un problème de recyclage et notre réseau électrique n’est pas adapté”, relève un retraité. C’est une transition, l’avenir est à l’hydrogène et à la batterie à combustible.” “Mais il faut produire cet hydrogène”, pointera le député. Toujours dans les transports, quelqu’un propose de développer le fluvial. “Il a été interdit sur le canal Rhin-Rhône par Mme Voynet (alors ministre de l’environnement) car il posait des soucis d’environnement ! Ce n’est pas si simple !”, répondra le maire. Et le député d’ajouter : “On a supprimé des barrages pour des raisons écologiques”.
“Je consacre avec mes impôts 2% pour la transition énergétique et 20% pour la défense, il faudrait inverser la proportion et trouver une énergie moins polluante”, propose un autre. Tous en conviennent : la protection de la planète est “une priorité absolue”, confirme celle qui se décrit volontiers comme une “gilet verte”. “Il faut aussi commencer à réduire notre consommation électrique, ajoute un jeune informaticien, rappelant que la moindre recherche sur internet “coûte énormément d’argent. Et quand je pense qu’on laisse nos ordinateurs éclairés toute la journée…” Les data-centers consommeraient l’équivalent d’une ville de 30 000 habitants. Bref, les citoyens appellent tout bonnement à “moins gaspiller” : “On a tous une responsabilité, reconnaît cet homme. On change tous les ans son téléphone portable !”… Une sensibilisation des plus jeunes s’impose… dès le plus jeune âge, insiste une enseignante.

Parmi les autres interventions, certains s’inquiètent de “la casse des services publics”, la multiplication des privatisations (“Il y a eu les autoroutes, maintenant les aéroports de Paris et la Française des Jeux…”) ; le mille-feuilles administratif “trop compliqué” : “une clarification des compétences” s’impose. “Aujourd’hui, un citoyen ne sait plus forcément qui fait quoi”, reconnaît le député. Pour cette dame, le tarif des Ehpad est trop élevé et l’Etat devrait aider financièrement les familles les moins aisées, allant jusqu’à proposer leur nationalisation. Le député qui propose que les Français reçoivent “une fiche synthétique qui détaille les dépenses de l’Etat par habitant. On se rendrait compte que chaque citoyen paye beaucoup moins d’impôts qu’il ne reçoit de services. Cette fiche permettrait ainsi à chacun de savoir combien l’Etat a investi pour lui. Notre système est l’un des plus redistributifs, sachant que 50% des Français ne paient pas d’impôt sur revenu.”
In fine, la soirée aura été des plus enrichissantes. Quelqu’un souhaite même que ce genre de débat se poursuive pour promouvoir la démocratie participative… L’exemple du conseil de circonscription à l’initiative de Thomas Gassilloud est mis en avant par une de ses membres. “Assistez aux conseils municipaux ! Je vous encourage tous à essayer de comprendre et à vous engager dans un mandat électif, invite Thomas Gassilloud. Je suis persuadé que ces débats sont utiles non seulement pour mesurer la complexité de notre société, mais aussi pour faire vivre la démocratie.”
Le Grand Débat est sur le point de se terminer. “En tant que député, j’espère qu’on mettra en oeuvre, dans les prochaines semaines, des décisions concrètes qui colleront aux attentes des citoyens”, conclut Thomas Gassilloud. Le plus dur reste à faire.
