“Pourquoi est-on aussi dépendant des énergies fossiles ?, s’interroge Louise (Lyon), au sortir de la réunion, lundi 27 janvier, au café de la Gare, à Brignais. Il n’y a pas de solution miracle, mais on y réfléchit !” C’était là l’un des objectifs de ce tout premier café-débat organisé par Thomas Gassilloud, député du Rhône, et les citoyens de son conseil de circonscription (CDC), sur la thématique du changement climatique. Pour gagner en expertise, le CDC avait choisi d’étudier, au préalable, l’ouvrage d’Edwin Zaccaï, Deux Degrés, les sociétés face au changement climatique (éditions SciencesPo). “Un débat animé et dans lequel on a appris plein de choses”, félicite Monique (Pomeys). “C’est toujours intéressant d’échanger, de dialoguer avec passion mais respect, comme cela a été le cas ce soir”, remercie pour sa part Denis (Saint-Genis-Laval).
“Deux degrés, c’est l’engagement pris par les Etats, réunis au sein des COP (Conférences des parties en français), en matière de réchauffement climatique à la fin du siècle, explique d’emblée Jean-Philippe (Villechenève), fidèle du CDC et animateur de la soirée : “vous allez le voir, c’est plutôt mal barré ! Edwin Zaccai explique clairement dans son livre que nous ne tiendrons pas cet objectif de par notre trop grande dépendance au carbone… S’en désintoxiquer va être très compliqué.”Dans la salle, l’écoute est attentive. Si le CDC avait misé sur la convivialité, chacun s’est plutôt délecté intellectuellement, en partageant ses points de vue dans le respect des uns et des autres. Y compris lorsqu’un homme, au fond de la salle, avoue son scepticisme quant aux véritables causes du réchauffement de la planète, dû selon lui davantage “au cycle du Soleil” qu’à l’intervention humaine… D’un avis très majoritaire, “ce surplus de 2 degrés est complètement anthropologique, c’est avéré“, confirme Antoine (Brignais), chercheur dans le domaine des énergies.
Michel (Messimy) rappelle que la part de la responsabilité humaine a même été chiffrée par le Giec (un organisme intergouvernemental ouvert à tous les pays membres de l’ONU et qui regroupe actuellement 195 États), dans son rapport de 2014 : “l’activité humaine est responsable à 95% de ce réchauffement et son prochain rapport qui sera publié dans un an ou deux sera encore plus affirmatif”. Jean-François (Chaponost) insiste lui aussi : “Le réchauffement climatique correspond clairement au décollage de l’activité humaine (ère industrielle) dans les années 1900”, reprenant l’argumentation de Jean-Marc Jancovici, connu pour son travail de sensibilisation et de vulgarisation sur les thèmes de l’énergie et du climat. “Deux degrés, ça ne parle pas au grand-public et ça peut même être plus agréable dans certaines régions, mais, si on compare à l’homme, lorsque la température corporelle augmente de 2°, les conséquences peuvent être graves, relève Jean-Luc. Mais quand on sait que, depuis la dernière glaciation, la température moyenne de la planète n’a jamais varié au-delà de 4 degrés… À 4 degrés de plus, il n’y a plus de civilisation !” Et de recommander, dans la foulée, la lecture du livre de Sébastien Bohler, Le bug humain, pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète. “Al Gore nous avait déjà alerté à ce sujet, en 2005, il y a 15 ans, avec son film, La Vérité qui dérange”, rappelle Denise (Charbonnières-les-Bains).
Face à ce constat, tout le monde en est convaincu : il faut agir. Mais comment ? Un intervenant reconnaît que chacun, à son niveau, peut y contribuer, avec de petits gestes simples au quotidien. “Je ne suis pas contre les petits gestes, c’est bien pour les enfants, pour donner l’exemple à l’école notamment, reconnaît un autre. Mais il faut démythifier ces petits gestes par rapport aux grands qui sont, eux, beaucoup plus importants.” Pour cela, “les politiques doivent montrer l’exemple”, estime cet homme, plutôt dubitatif à ce sujet. “Il ne faut pas se décourager, chacun de nos gestes, même les plus minimes, sont importants et vous verrez, ensuite, la politique suivra”, plaide un troisième, résolument optimiste. Et d’argumenter : “En investissant dans le nucléaire, nous avons acquis une indépendance vis-à-vis des énergies fossiles que sont le pétrole ou le charbon. Je suis désolé mais je préfère être en France avec le nucléaire, qu’en Allemagne avec le charbon !”
Et si cette “dynamique de groupe” venait des communes, propose un intervenant. “Il ne faut pas se déresponsabiliser, insiste Antoine. On est individuellement responsable de la situation. Mais on est incapable de s’en sortir car on est des drogués du carbone ! Tellement que, moi-même, je suis incapable de ne pas prendre ma voiture pour aller travailler. Je sais pourtant quels sont les gestes à faire, mais je ne sais pas forcément les appliquer. Et c’est là que le politique doit jouer son rôle : nous aider à nous sevrer car on en est incapable individuellement.” Le cas particulier de Christine met en lumière les incohérences dans les politiques de transport : “J’habite Brignais où il n’y a pas de TCL et je travaille à Lyon 7e : je n’ai pas d’autres solutions que de prendre ma voiture, un diesel, car je n’ai pas les moyens de faire autrement, pour rejoindre la gare d’Oullins où les places de stationnement sont payantes aux alentours de la gare et le parc relais, 25€ la journée, est saturé dès 7 heures du matin !”
Dans son ouvrage, Edwin Zaccaï l’affirme : il faut taxer le carbone pour décourager la consommation d’énergies fossiles. Dans une vidéo projetée lors de la soirée, l’auteur souligne aussi combien il est difficile de changer nos habitudes de consommation : “On se heurte, explique-t-il, à nos modèles culturels” : l’empreinte carbone de Madonna atteint 1000 tonnes de CO2 par an, deux cents fois celle d’un Français… “On n’est pas prêts de changer”, estime Radouhane, faisant référence au mouvement des Gilets jaunes. “Et pourtant, cette augmentation du prix des carburants ne pesait pas lourd, rétorque quelqu’un dans l’assistance. 5 centimes d’euros de plus sur un litre, ça fait 30 centimes pour 100 kilomètre, soit 30€ sur 10 000 km” Denise, elle, se dit choquée de constater qu’en plein centre de Lyon, les boutiques ouvrent grand leurs portes même quand il fait -4° dehors, de même en été alors que les climatiseurs tournent à plein régime ! “C’est purement commercial”, peste-t-elle…
Philippe propose la création de commissions “transition écologique” au sein des entreprises pour permettre aux salariés de se saisir de problématiques écologiques. Il y a aussi des éco-délégués de classe au collège, poursuit cette mère de famille.
En matière d’économies d’énergie, le débat n’est pas passé à côté de l’isolation des bâtiments et, surtout, de son financement. “En France, 45% de l’énergie totale consommée provient des bâtiments, confirme Michel. Il faut donc faire un effort là-dessus. Or, dans sa loi de finances 2020, l’Etat a baissé ses aides à 800 millions d’€ alors qu’il met 8 milliards d’€ pour les éoliennes et le photovoltaïque. Où est la cohérence ?” D’autant que “le mix énergétique en France, avec le nucléaire et les centrales hydroélectriques, n’a pas d’impact climatique, en convient Antoine. Dès lors, pourquoi mettre autant dans les énergies renouvelables ?” Et d’insister : “Face à l’urgence climatique, ce n’est pas avec la recherche dans nos labos qu’on va réussir à sauver le monde : il faut compter sur des solutions qui existent déjà, car nos prototypes mettent dix ans à sortir !” Thomas Gassilloud se propose de travailler avec ceux qui le souhaitent, sur des amendements qu’il serait à même de défendre, à l’Assemblée nationale.
Bret, au bout de deux heures de débats animés et passionnés, la conclusion est sans appel : il faut réduire nos consommations, quelles qu’elles soient. “La volonté de l’homme à en vouloir toujours plus est aujourd’hui remise en cause”, résume le député, tout en se montrant prudent : “Faisons attention tout de même à ce que nos débats ne soient pas trop anxiogènes”. Et de conclure : “L’humanité a un défi et nous devons tous nous mobiliser pour y faire face”. Tour de la circo à vélo ou en transports en commun ; websérie documentaire sur la transition écologique… en matière de sensibilisation écologique, l’équipe parlementaire l’est assurément. Un prochain rendez-vous est prévu lundi 10 février, à 11h, au Parc Eco Habitat de Saint-Symphorien-sur-Coise, pour travailler sur la question des panneaux photovoltaïques et de l’isolation des bâtiments. A suivre.
Les prochaines rencontres du conseil de circonscription :
- Mardi 4 février, de 12h à 14h, autour d’un repas partagé, dans le cadre de la démarche Transition Écologique, nous proposons un « Atelier Écriture » pour réfléchir sur la façon pédagogique dont nous pouvons aider à faire comprendre les enjeux à l’échelle de la circonscription.
- Lundi 10 février, de 12h à 14h, autour d’un repas partagé, nous donnons rendez-vous au Parc Eco Habitat à tous ceux qui sont intéressés par les thématiques environnementales et notamment par les questions d’installation de panneaux photovoltaïque et d’isolation des maisons.
- Jeudi 13 février, à 19h, pour le Débat sur la Réforme des retraites à Vaugneray.