“La France rurale est abandonnée !”, lâche d’emblée un agriculteur de Montromant. A l’invitation du député Thomas Gassilloud et de son conseil de circonscription, et en présence de Marie-Charles Jeanne, maire du village, la plus petite commune des Monts du Lyonnais a participé, elle aussi, au Grand Débat national. Ce vendredi 15 février, une cinquantaine de citoyens ont investi la salle communale pour exprimer ses “espérances”, selon le terme du député qui organisait là son 5e débat du genre (sur une série de 10 à travers la circonscription jusqu’en mars).
Durant plus de deux heures, les prises de parole se sont enchaînées, dans une ambiance sereine et un débat constructif. Une fois n’est pas coutume, les villageois ont souhaité que le député — d’habitude sur la réserve en pareilles occasions — échange avec eux sur leurs propositions. Les problématiques du monde rural se sont largement invitées au débat, avec ce constat amer dressé par l’ensemble des intervenants : le délitement des services publics. Du coup, “on est obligés de prendre la voiture”, explique un participant. Cet homme, lui, raconte qu’il se rend à Lyon tous les jours… “comme des milliers d’autres” : “Le service de train est excellent, reconnaît-il. Mais celui du bus entre Saint-Laurent-de-Chamousset et Sainte-Foy-l’Argentière est ridicule, une fois par heure et pas aligné aux horaires du train et avec des tickets différents… Il faut inciter les gens à prendre les transports en commun”, l’avenir de la planète en dépend. Encore faut-il des horaires et des structures adaptés, en mettant en place un grand parking et un minibus (la commune en a fait la demande).
Un autre en appelle à la remise en service de la ligne de chemin de fer entre Sainte-Foy-l’Argentière et Sain-Bel. Sauf qu’il en coûterait près de 10M€ uniquement pour le frêt, soit beaucoup plus que l’entretien des routes pour l’ensemble des Monts du Lyonnais. “Et la déviation de l’Arbresle ?”, s’interroge un habitant : le projet, vieux de quarante ans, n’avance pas…
L’accès aux soins est lui aussi pointé du doigt : le territoire manque cruellement de médecins, alors qu’un projet de restructuration est en cours entre les hôpitaux de Saint-Laurent-de-Chamousset, Saint-Symphorien-sur-Coise et Chazelles-sur-Lyon. “Pour mon dernier, j’ai accouché dans la voiture, confie cette mère de famille. Nous n’avons pas de médecins à proximité. Il faut prendre des demi-journées de congés à chaque rendez-vous.” Les aides ménagères quadrillent (en voiture, elles aussi) le territoire pour intervenir à domicile : “Pourquoi ne pas créer des antennes de l’ADMR dans chaque village ?”, propose une dame pour qui les professionnels des services à la personne doivent être davantage reconnus et valorisés. Des habitants craignent aussi la fermeture “de nos petites écoles de village”. Heureusement, il existe encore, une vraie solidarité dans le village”. “On est les oubliés, souffle Marie-Charles Jeanne. On aurait aimé avoir les moyens de construire une maison pour nos aînés, mais l’argent nous manque.”
Parmi les autres revendications de l’assistance, plus générales, citons la baisse du pouvoir d’achat ; les taxes jugées trop lourdes pour les classes moyennes ; un salaire maximum “comme il existe un salaire minimum” ; la reconnaissance du vote blanc “aujourd’hui méprisé” ; une meilleure représentativité des députés avec, pourquoi pas, “des citoyens tirés au sort, comme dans un jury d’assises” à leurs côtés ; ou encore le droit de mourir dans la dignité. Le fonctionnement de l’Assemblée nationale “avec des lois votées parfois à 4 heures du matin en l’absence de nombreux députés”, serait lui aussi à revoir, de l’avis de cette citoyenne. Dans l’assistance, des voix appellent aussi à mieux consommer (“On a cette force en tant que consommateurs”), en privilégiant les produits issus du commerce équitable “pour mieux rémunérer les producteurs”. “La disparition des agriculteurs, en France, en Europe et dans le monde, est un grave danger humain, territorial, économique, social… et écologique”, estime ce paysan.
Le Président de la République en prend également pour son grade : “Il n’a pas respecté ses promesses électorales sur les retraites : il avait promis pendant sa campagne, qu’il n’y toucherait pas !”, lance cet habitant. D’autres relèvent les propos parfois “choquants” d’Emmanuel Macron. “C’est inacceptable de la part d’un chef d’Etat, déplore cette dame. Il a mis le feu aux poudres !” Cet autre citoyen appelle à davantage de “bienveillance” : “Il faut inventer une société plus fraternelle, plus coopérative qui permette à chacun d’exprimer ses talents”, tandis qu’un autre reconnaît que “l’écart se creuse au niveau mondial”, estimant qu’il faudrait “partager les richesses mondiales”.
“On a besoin de renouveler notre modèle, reconnaît Thomas Gassilloud, en guise de conclusion. “Nous devons, tous ensemble, trouver et mettre en oeuvre de nouvelles solutions, dans les années à venir, ce qui commence par aussi reconnaître les points faibles comme les points forts de notre modèle actuel et des avancées, il y en a aussi”, reconnaissant pour finir que “ces moments d’échanges sont extrêmement intéressants et appelant à les poursuivre dans les prochains mois”.