Ah, les fameuses “injonctions contradictoires de la société”, dont parlait Thomas Gassilloud, lors d’un précédent débat citoyen… Jeudi 21 février, à Vaugneray, la réunion publique — la sixième du genre — organisée par le conseil de circonscription du député du Rhône, dans le cadre du Grand Débat national, a au moins permis de se rendre compte combien il est difficile de contenter tout le monde ! Durant plus de deux heures, les quelque 120 citoyens réunis à la salle des fêtes communale, ont pu exprimer leurs points de vue. Et leurs solutions face aux problématiques qui agitent notre société. “Ca me rappelle ces débats citoyens qui étaient organisés, il y a plus de 15 ans, pour faire remonter les idées de la population, se souvient le maire, Daniel Jullien, en guise d’introduction. A la différence que nous sommes aujourd’hui beaucoup plus nombreux.”
D’emblée, un professionnel de la sécurité lance le débat, proposant l’instauration du référendum d’initiative citoyenne (RIC), “comme en Suisse”, pour permettre, selon lui, “de voter des lois ou de révoquer des élus”. D’autres expriment le même avis : “Il faut passer à une autre constitution. Le mouvement capitaliste et néolibéral a atteint ses limites. Le RIC semble une évidence”. Sauf que la situation française n’est pas la même, rétorque quelqu’un dans l’assistance : “Chez nous, les gens ne votent pas forcément pour la question posée et la contestation prend le dessus”. Et puis, un tel référendum n’est pas sans conséquences et il faut en informer la population, alerte un autre. Une solution intermédiaire serait de mettre en place “un espace d’échanges citoyens pour le bien commun pour les transmettre aux pouvoirs locaux qui pourront les transmettre, eux-mêmes, à l’échelle régionale, nationale, européenne, voire mondiale”. Pourquoi pas des “assemblées constituantes avec des citoyens tirés au sort”, propose un autre.

“Le plus important, c’est que ceux à qui on donne nos voix ne votent pas forcément pour leur parti”, estime un intervenant. La prise en compte du vote blanc, une proposition récurrente, revient à l’ordre du jour. Tout comme “une dose de proportionnelle”. “Mais pas le vote obligatoire”, renchérit un citoyen : là encore, les avis sont partagés. “Nous votons pour élire nos représentants, nous sommes responsables de notre vote, et nous devons demander des comptes”, estime cet intervenant qui reconnaît cependant “les responsabilités” qui pèsent sur chaque élu. Un citoyen appelle à la mise en place d’un quorum (“un minimum de votants”) pour valider les élections. “Et aussi à l’Assemblée nationale”, lance cet homme qui pointe du doigt l’absentéisme des élus dans les rangs de l’hémicycle. “Il est question de réduire le nombre de députés, il vaudrait mieux supprimer le Sénat, pour faire de la place et des économies, idem pour le Conseil économique, social et environnemental. Des participants plaident pour davantage d’éducation civique, dès le plus jeune âge, dans les programmes scolaires. “Les jeunes ne voteraient-ils pas plus si on les incitait dès l’école à prendre plus la parole ?”, propose l’un d’eux.

Les propositions se succèdent sur tous les thèmes : l’aménagement du territoire, la sauvegarde des commerces de proximité face au “ “nouveau péril” du commerce en ligne. “Il faut davantage soutenir les associations, ce sont de vrais lieux d’expérimentation et d’apprentissage de la citoyenneté”, plaide quelqu’un. De l’avis des intervenants, il faut aussi reconnaître davantage l’agriculture “à sa juste valeur” (800 ha disparaîtraient chaque année dans le Rhône), tout comme les professionnels de la petite enfance et de la santé dont les infirmiers ou encore les auxiliaires de vie dans le domaine du handicap. “On a aussi dévalorisé le travail manuel”comme le bâtiment, la mécanique, serrurerie alors que “ces métiers ont 7 fois plus de demandes que de candidats”, fait-valoir un intervenant particulièrement concerné. Ce qui suppose de “former les jeunes” en ce sens, voire… “réformer l’Education nationale… c’est impossible !”, souffle un observateur.

L’Europe s’invite aussi au débat : “Je suis fier d’être français, mais je me considère européen avant tout”… même si certains demandent davantage de retours sur l’activité des députés européens. “A quand un programme ambitieux européen de transition écologique ?”, demande au passage, un citoyen. Quelqu’un prône une “harmonisation fiscale”, alors qu’un autre s’interroge sur l’évasion fiscale : “Comment l’empêcher ?”. Les GAFA doivent forcément “être taxées”. Tout comme les carburants pour les transports aériens et maritimes. Un citoyen appelle même à une “TVA progressive en fonction des revenus” (provoquant quelques remous dans la salle) et “à faire sauter le verrou de Bercy”. La réorganisation du temps de travail fait aussi débat, avec “des contrats plus courts de 25 heures”, propose un participant qui dit avoir longuement étudié la question.
Le mot de la fin a été donné à Thomas Gassilloud. “Le rôle du législateur est de trouver des règles communes pour vivre ensemble”. A la question d’un citoyen sur la nécessité, pour l’Etat, de réaliser des économies les institutions , il répond “On doit encore faire des économies, reconnaît-il. Sachant que l’ensemble des institutions revient à 1,25€ par habitant et par mois. La démocratie a un coût mais elle n’a pas de prix”. Les discussions se sont poursuivies longuement, autour du verre de l’amitié et en toute convivialité. Pour le CDC, le débat se poursuivait dès le lendemain soir, à Chambost-Longessaigne.