Et de trois ! Le député Thomas Gassilloud poursuit sa série de débats publics, dans la 10e circonscription de Lyon. Objectif : donner la parole aux citoyens et « renforcer le lien entre le local et le national ». Après l’éducation (à Saint-Genis-Laval) puis le numérique (à Charbonnières-les-Bains), le comité de circonscription animé par Fabienne Tirtiaux, a réuni la population à l’espace culturel Éole, à Craponne. À l’ordre du jour : la sécurité au quotidien, un thème sensible et ô combien d’actualité, après cette terrible attaque au couteau perpétrée quelques jours auparavant à Paris. Si la réunion citoyenne a été suivie, dans la salle, par quelque 160 personnes, le débat continue en ligne, sur la page facebook de Thomas Gassilloud où l’enregistrement complet a déjà été visionné près de 800 fois.
Face à la menace terroriste omniprésente, la sécurité nationale est devenue l’une des priorités de l’État. Pas un hasard si le ministère de l’Intérieur est l’un des rares à voir son budget augmenter (+9%), tient à préciser, d’emblée, Thomas Rudigoz, député du Rhône et membre de la commission des lois. Tout en rappelant, au passage, la réactivité du gouvernement en la matière, avec notamment la mise en application de la loi Silt (Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme) qui a fait suite à l’État d’urgence prorogé jusqu’en novembre dernier, « un état exceptionnel qui ne pouvait plus durer », explique l’élu ; le vote d’un autre texte sur l’assignation à résidence et les « visites domiciliaires » et la décision de recruter, d’ici à la fin du mandat d’Emmanuel Macron, 10 000 hommes et femmes pour compléter les effectifs de police et de gendarmerie. Depuis 15 mois, « 22 attentats ont été déjoués », souligne-t-il.
Pas de quoi, pourtant, rassurer les citoyens. Dans la salle, l’un d’eux s’interroge sur le nombre de « fichés S »… Cinq cents, souffle-t-on, dans le département du Rhône. A la tribune, le maire de Craponne, Alain Galliano, vice-président de la métropole de Lyon, serait d’avis d’en connaître les identités sur sa commune de 12 000 habitants. « Je comprends cette demande, c’est un vrai débat », reconnaît Thomas Rudigoz. Reste à savoir comment une telle révélation serait appréhendée par un élu, compte tenu des peurs qu’elle peut susciter. « Le risque étant qu’un ou une maire un peu fébrile, panique et crée plus d’émois et d’inquiétudes dans sa commune », relève-t-il. Comme le rappelle le colonel Thibault Lagrange, commandant du groupement de gendarmerie du Rhône, « un fiché S est une personne signalée dans un cadre préventif du risque terroriste ». Par définitions, les fichés S peuvent, par leur activité ou leur entourage, représenter un risque de trouble à l’ordre public ou une atteinte à la sûreté de l’État. Dans ce fichier, « on estime la dangerosité d’humains, or cette estimation est humaine et n’est donc, par essence, pas parfaite », tempère le colonel.
A la question de rendre public un tel fichier, Thomas Gassilloud se montre, avec le recul, dubitatif, « l’intérêt de la fiche S étant que l’individu ne sait pas qu’il est sous surveillance », commente-t-il.
A l’échelle locale, Olivier Rigal, commandant de la compagnie de gendarmerie de l’Arbresle – l’une des deux compagnies avec celle de Givors, dans la 10e circonscription de Lyon qui compte 6 brigades territoriales – dresse un état des lieux de la délinquance. Même si le territoire reste plutôt privilégié, l’insécurité se traduit par une délinquance « au spectre très large », de la petite délinquance du quotidien à la fermeture, il y a trois ans, d’une mosquée salafiste sur le secteur de l’Arbresle, rouverte depuis avec un imam modéré. En 2017, le nombre d’interventions variait selon les communes, « entre 800 à Saint-Laurent-de-Chamousset, et 2160 à Saint-Genis-Laval, avec, un point noir dans l’Ouest lyonnais : les cambriolages ».
Le maire de Craponne, le reconnaît : « Les incivilités, la petite délinquance, les cambriolages ou les vols à l’arrachée, arrivent chez nous depuis une quinzaine d’années », lâche-t-il, amer. Dans ce contexte, la commune a notamment investi 400 000 € pour rapprocher sa police municipale dans le centre-ville et a fait installer 16 caméras fixes et 4 mobiles. « Nous travaillons étroitement avec la gendarmerie », confirme le maire. Le commandant Rigal l’assure : la vidéoprotection apporte une aide dans la résolution des affaires », pour repérer par exemple un numéro d’immatriculation.
Pour autant, de l’avis des intervenants, « la sécurité reste l’affaire de tous ». Aussi, la gendarmerie lance-t-elle un appel, par la voix du commandant de la brigade de l’Arbresle : « On a besoin de la population : vos yeux et vos oreilles nous permettent d’orienter nos recherches, insiste-t-il. N’hésitez pas à nous contacter ». Le mieux étant d’appeler directement le 17, « lorsque vous repérez un comportement suspect ». Les dispositifs de participation citoyenne (c’est le cas à Craponne, comme le rappelle le maire, « avec 20 référents dans 9 quartiers de la commune ») entrent pleinement dans cette démarche. « Nous sommes aussi sur le point de créer, à défaut d’un Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), un comité de veille de la délinquance avec toutes les parties prenantes (dont une synergie entre la police municipale et la gendarmerie) pour assurer le bien vivre ensemble », poursuit M. Galliano.
Le lancement récent de la police de sécurité du quotidien par Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, a pour objectif de « recréer cette proximité avec la population, les commerçants, les élus, les partenaires, bailleurs sociaux et autres… », explique Thomas Rudigoz. Dans le Rhône, en zone police, le quartier des Minguettes, à Vénissieux, et celui de Mermoz, à Lyon, ont été retenus par le gouvernement, ainsi que quelques autres dans le 8e arrondissement. « Des quartiers avec de grosses problématiques de délinquance : la volonté est de renforcer ici, les effectifs de police avec, aussi, des moyens supplémentaires en matière d’équipements modernes pour l’ensemble des équipages. »
Les bailleurs sociaux se doivent, eux aussi, de jouer un rôle actif, « pour préserver la tranquillité de nos résidents et leur assurer un environnement paisible », témoigne Céline Naquin, chef du projet sûreté à Lyon Métropole Habitat. A l’échelle du Grand Lyon, quatorze bailleurs se mobilisent au sein d’un dispositif visant à améliorer la tranquillité de leurs locataires. Cela passe par « la mise en place d’agents de médiation et d’agents de sécurité dans des résidences ciblées ; des agences de proximité ; des actions de développement social et de prévention », énumère-t-elle. Mais aussi des réaménagements, dans les immeubles, des halls traversants ou des recoins plus ou moins sombres… Dans le Grand Lyon, 4408 intervention ont ainsi été menées l’an dernier. « Mais tout cela a un coût », reconnaît Mme Naquin.
En tant qu’acteurs de la sécurité, les bailleurs sociaux préconisent des évolutions législatives. « Nous avons demandé que le délit d’occupation des parties communes, passible de six mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amendes, très difficile à caractériser et donc à appliquer, bascule en contravention : la sanction serait immédiate dès lors que les forces de l’ordre constateraient l’infraction », évoque-t-elle. Autre proposition des bailleurs sociaux : obtenir un droit de résiliation du bail pour des locataires investis dans des trafics de stupéfiants, dans leur résidence ou dans leur logement ; ainsi que la possibilité de déposer une plainte en cas d’agression d’un collaborateur. « Or, aujourd’hui, ils ne le font pas car ils ont peur des représailles, et les bailleurs ne peuvent pas se substituer à eux car ils ne sont pas les victimes directes ». Et de proposer, dans la foulée, la mise en place de « référents bailleurs » auprès des tribunaux « afin de mieux suivre les plaintes, leurs suites judiciaires et de traiter avec eux sur des secteurs relativement sensibles ».
Le commandant Rigal se montre pragmatique. « Deux tiers des infractions n’ont pas d’auteurs identifiés. Sur le tiers des infractions avec auteurs identifiés, moins de la moitié font l’objet de poursuites. Sur la moitié des auteurs d’infractions identifiés et poursuivis, moins de 10% sont incarcérés. Des réponses alternatives sont apportées pour tout le reste. Et malgré tout, les prisons sont pleines… » De là à imaginer des « stages de rééducation au bon civisme », selon l’expression de Thomas Gassilloud… Certes, les tribunaux peuvent condamner les petits délinquants à des travaux d’intérêt général. Mais les procédures sont longues, avec le sentiment, pour la population, que « rien ne se passe », souffle quelqu’un dans l’assistance… « Peut-être faudrait-il simplifier tout cela et permettre aux maires d’infliger des travaux d’intérêt général ? », s’interroge Thomas Gassilloud. Le Cdt Rigal rappelle au passage la « comparution immédiate », « une des rares procédures judiciaires dans laquelle on a une quasi-immédiateté de la sanction pénale par rapport à la commission des faits. Existe aussi le rappel à la loi par officier de police judiciaire : le magistrat nous prescrit de rappeler à l’intéressé ce qu’il encourt en cas de récidive ».
« C’est cette nouvelle forme de petite délinquance qui crée ce sentiment d’insécurité et qui pourrit la vie au quotidien, conclut le maire de Craponne. Comment ramener les auteurs de ces actes sur le droit chemin ? Je suis prêt à leur tendre la main, mais cette main, ils n’en veulent pas ! On n’en peut plus ! » Le service national universel, appelé de ses vœux par le Président de la République, serait-il l’une des solutions, glisse le député Thomas Gassilloud. Ce sera le mot de la fin… et peut-être l’objet d’un prochain débat ?
Mathieu Girandola
Les autres questions de l’assistance
Comment combattre les armes blanches ?
« Comment interdire l’arme blanche, alors qu’on en a tous, chez soi ? Le législateur, dans sa grande sagesse, a posé le principe du trouble à l’ordre public », répond Olivier Rigal, commandant de la compagnie de gendarmerie de l’Arbresle.
En matière de sécurité sur internet, comment éviter les escroqueries ?
Le thème a fait l’objet d’un précédent débat public. Le colonel Lagrange met en garde : « Internet est un espace de vie exactement comme le monde réel. Chaque fois que vous vous posez une question sur Internet, demandez-vous comment vous feriez dans le monde réel. » Autrement dit, ne faites pas sur Internet ce qu’il ne vous viendrait même pas à l’idée de faire dans la vie réelle… comme, par exemple, publier des photos de famille dans un magazine ! (sic)
L’état d’urgence a-t-il permis de réduire le nombre d’armes lourdes circulant en ville ?
« Des perquisitions ont amené, dans une minorité de cas, à la découverte d’armes, dont des armes lourdes », reconnaît Olivier Rigal. Quant au trafic d’armes, « il se fait à bas bruit, à bas niveau, à très faible volume : on doit saisir en France, une centaine de kalachnikovs par an, c’est relativement faible comparativement au nombre d’armes saisies, entre 5 et 8 000. Le trafic d’armes lourdes est très difficile à entraver. »
Quelle est l’efficacité des caméras de vidéoprotection ?
« La vidéo-protection fonctionne de deux façons, répond Olivier Rigal. La première avec un opérateur derrière qui est capable de renseigner à l’instant T, quand les faits se produisent, et donc d’alerter : le coût est important. Ce système fonctionne très bien pour les incivilités. La deuxième façon de travailler est celle de l’enregistrement. On ne pourra pas procéder à une interpellation immédiatement mais on va pouvoir récupérer les éléments de preuves qui permettront de confondre l’individu et de le sanctionner pénalement, et cela fonctionne très bien. Les caméras sont un apport très important dans la résolution d’affaires. »
Beaucoup d’automobilistes roulent sans permis et ne sont punis que d’une amende de 800€…
« La justice peut prononcer une confiscation du véhicule, note le commandant Rigal. Mais la sanction effectivement n’est pas immédiate et l’auteur de ce délit repartira, avec une convocation en justice pour une date ultérieure. Une campagne de la Prévention routière essaie en ce moment de sensibiliser ces conducteurs sur les conséquences financières d’un accident causé en cas de défaut d’assurance ou de permis : c’est une conséquence pécuniaire à vie. Malheureusement, c’est un message qu’on a du mal à faire passer aux délinquants routiers qui sont totalement hermétiques à ce sujet. »